Recours internes au réseau de la santé et des services sociaux
Le droit de porter plainte contre un professionnel de la santé
Il existe plusieurs recours permettant à un patient (ci-après « usager ») d’exercer ses droits. Parmi ceux-ci figurent ceux devant les tribunaux de droit civil, ceux internes au réseau de la santé et des services sociaux (ci-après « réseau ») et finalement, ceux au sein d’un ordre professionnel[1]. Cet article traitera spécifiquement des recours internes au réseau.
D’abord, l’article 29 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux[2] (ci-après « L.S.S.S.S. ») prévoit l’obligation d’établir une procédure d’examen des plaintes pour les employés d’un établissement de santé et une autre pour les médecins, dentistes et pharmaciens. En effet, n’étant pas employés de l’établissement, les médecins, dentistes et pharmaciens ont un mécanisme de traitement de plaintes distinct.
Le commissaire aux plaintes et à la qualité des services (ci-après «commissaire aux plaintes») est affecté au traitement des plaintes des usagers de chaque établissement qu’il administre, et ce, à l’endroit de tous les professionnels du réseau à l’exception d’un résident, un médecin, un pharmacien ou un dentiste. En effet, c’est le médecin examinateur qui assure le traitement de plaintes visant ces professionnels[3]. Cependant, lorsque la plainte vise des problèmes administratifs ou organisationnels qui impliquent des services médicaux, dentaires ou pharmaciens, elle est examinée par le commissaire aux plaintes[4].
Le commissaire aux plaintes et le médecin examinateur sont nommés par le conseil d’administration de l’établissement, et ce, de manière à ce qu’ils puissent exercer leur fonction de manière indépendante et en toute impartialité[5]. Ils peuvent consulter toute personne dont l’expertise est nécessaire y compris, avec l’autorisation du conseil d’administration, un expert externe de l’établissement[6].
La procédure de traitement des plaintes permet à l’usager[7] de formuler une plainte écrite ou verbale relativement à un soin ou un service reçu ou à recevoir[8]. La personne qui formule ou entend formuler une plainte ne peut pas subir de représailles[9]. Le commissaire aux plaintes ou le médecin examinateur doit, au besoin, prêter assistance ou s’assurer que soit prêté assistance à l’usager qui le demande pour la formulation de sa plainte. Dans la plupart des régions administratives, il existe un centre d’assistance et d’accompagnement aux plaintes (CAAP) lequel a pour mission de soutenir les usagers dans leur démarche s’ils estiment que leurs droits ne sont pas respectés.
La procédure de traitement des plaintes permet l’obtention de certains correctifs pouvant ultimement mener à des mesures disciplinaires. Le cas échéant, le plaignant en sera avisé par écrit[10]. Le conseil d’administration d’un établissement peut même transmettre, de son propre chef, une plainte à l’ordre professionnel concerné s’il estime que la gravité de la plainte l’impose[11]. Peu importe l’issue de la plainte, celle-ci ne permet pas d’obtenir une compensation financière pour les dommages causés, et ce, contrairement au recours devant un tribunal civil.
Cela dit, il est important de préciser que l’utilisation de ce recours ne limite pas l’usager au droit de déposer une poursuite judiciaire contre le professionnel ou encore, de déposer une plainte auprès du syndic de son ordre professionnel si le conseil d’administration ne le fait pas. Également, contrairement aux croyances populaires, il n’est pas nécessaire que l’usager dépose une plainte auprès du commissaire aux plaintes ou du médecin examinateur avant d’entamer des poursuites judiciaires ou encore, déposer une plainte disciplinaire auprès du syndic de l’ordre professionnel.
Finalement, quarante-cinq (45) jours suivant la réception de la plainte[12], le commissaire aux plaintes ou le médecin examinateur informe l’usager de ses conclusions motivées. La réponse doit être accompagnée, des recommandations au conseil d’administration, à la direction ou au responsable du département concerné[13]. Malgré ce délai légal, dans la pratique ce court délai ne peut, la plupart du temps, être respecté. Si tel est le cas, le commissaire aux plaintes ou le médecin examinateur doit informer l’usager des résultats de son analyse et l’aviser qu’un délai additionnel est requis. L’usager, insatisfait des conclusions formulées par le commissaire aux plaintes, peut demander la révision de sa plainte auprès du Protecteur du citoyen[14]
Jessica Deschamps-Maheu, LL.B., LL.M
Directrice des affaires professionnelles et juridiques et secrétaire adjointe